Nessy du Loch suggère

Problèmes à débattre

  • L’ urgence écologique: le changement climatique, les pollutions, l’épuisement des ressources, l’effondrement de la biodiversité.
  • Les guerres,  le durcissement des régimes en place et les crises qui en découlent.

Sujets à discuter, développer

  • l’émergence d’une nouvelle civilisation interdépendante et solidaire, visible à travers l’éclosion locale de révoltes, les mouvements sociaux, les partis pirates, le fablab, les monnaies alternatives, les économies parallèles, tous en lien.

via @nessyduloch  http://nessyduloch.com

Léo Ferré chante « Les assis » d’Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud, Les Assis

Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs, Le sinciput plaqué de hargnosités vagues Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;
Ils ont greffé dans des amours épileptiques Leur fantasque ossature aux grands squelettes noirs De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques S’entrelacent pour les matins et pour les soirs !
Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges, Sentant les soleils vifs percaliser leur peau Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges, Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.
Et les Sièges leur ont des bontés : culottée De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ; L’âme des vieux soleils s’allume emmaillotée Dans ces tresses d’épis où fermentaient les grains.
Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes, Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour, S’écoutent clapoter des barcarolles tristes, Et leurs caboches vont dans des roulis d’amour.
- Oh ! ne les faites pas lever ! C’est le naufrage… Ils surgissent, grondant comme des chats giflés, Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage ! Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.
Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors, Et leurs boutons d’habit sont des prunelles fauves Qui vous accrochent l’oeil du fond des corridors !
Puis ils ont une main invisible qui tue : Au retour, leur regard filtre ce venin noir Qui charge l’oeil souffrant de la chienne battue, Et vous suez pris dans un atroce entonnoir.
Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales, Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever Et, de l’aurore au soir, des grappes d’amygdales Sous leurs mentons chétifs s’agitent à crever.
Quand l’austère sommeil a baissé leurs visières, Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés, De vrais petits amours de chaises en lisière Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;
Des fleurs d’encre crachant des pollens en virgule Les bercent, le long des calices accroupis Tels qu’au fil des glaïeuls le vol des libellules – Et leur membre s’agace à des barbes d’épis.

Intégration vs Assimilation

Extrait de « Lettre à François Hollande« , de Georges Beuchard, Philippe Loiseau, Malik Berkati, Pierre-Yves Le Borgn’, Collection La M.E.R., publié à Berlin le 19 mars 2012, © La Mer, tous droits réservés

Contribution de Malik Berkati, pages 47-49

(…)

Une fois le gouvernant dégagé, le combat continue et la pensée doit s’entêter à tendre vers la belle et nécessaire utopie. Il y a un peuple, mais il y a aussi des publics. Cela fait partie de l’ordre des choses : la nature humaine privilégie ses intérêts spécifiques. Le concept de « volonté générale » est extrêmement abstrait et pour reprendre Latour, « oui à la démocratie, mais en chair et en os, pas en illusion ». Ne serait-il pas plus concret, plus réaliste et plus honnête de subordonner la sacro-sainte « volonté générale » au matérialisme poétique du « bien commun » ? Il est certes tout à fait possible de continuer à gouverner en donnant l’illusion que cette gouvernance est réellement représentative du Public alors que les « insiders », dans un entre-soi reproductif, passent le plus clair de leur temps à essayer de flatter leurs publics respectifs en séduisant à la marge le public du voisin, en entretenant le mythe du « creuset républicain » alors que le fonctionnement de la société transforme chaque jour un peu plus le creuset en passoire, où des franges de plus en plus larges de ce collectif fantasmé tombent hors de la protection de la République.

Il serait peut-être temps de parler enfin sérieusement de ces concepts serpents de mer qui font les joies politiques et oratoires de la dite République : intégration, assimilation. En parler sans tabous et avec courage, faire face aux peurs, ne plus ignorer les cicatrices encore ouvertes dans le passé, amener tous les publics du Public à se faire face, non pas en chiens de faïence mais dans le dialogue permettant enfin la rencontre qui amène à la reconnaissance de l’autre.
(…)

Reprenons donc les choses à l’aune de la réalité sociétale française.

Le terme le plus usité dans le discours politique et médiatique est celui d’intégration. Plus précisément, sous l’angle de son défaut, du problème qu’il occasionne. Parfois, lorsqu’un intérêt est en jeu, qu’un public spécifique doit être interpellé, un exemple positif, une success story, est montrée en exemple. Des élèves brillants des « quartiers difficiles » intégrés à Science Po, un jeune entrepreneur qui réussit dans une banlieue, un préfet « musulman », etc. Mais est-il réellement question d’intégration en France ? Le problème ne vient-il pas plutôt de cette confusion de ces deux termes, intégration et assimilation, confusion entretenue par cette impossibilité sémantique pétrifiée dans un passé colonial mal instruit qui empêche d’appeler un chat un chat, malgré l’évidence par ailleurs désignée dans le fameux « creuset républicain » : la société française ne veut idéalement pas intégrer les allochtones, elle veut les assimiler. Cette confusion mène à des cascades de malentendus, d’amalgames et d’absurdités de part et d’autre.

Absurde de parler d’intégration à un citoyen français dont les ascendants sont Français depuis deux, trois générations. Absurde de parler d’intégration à un citoyen français originaire d’un département ou territoire d’outre-mer. Absurde de parler d’intégration à un immigré vivant depuis vingt ans dans sa commune mais ne pouvant voter quand, dans le même temps, un migrant européen installé depuis six mois sur sa commune peut lui participer à la vie démocratique de son environnement quotidien.

Le problème de l’intégration dans sa compréhension commune est qu’il manque un élément essentiel à sa définition : l’intégration n’est pas unilatérale. Pour intégrer un corps à un ensemble, il faut que cet ensemble s’ouvre au corps. Si la France veut intégrer, elle doit elle aussi intégrer le fait qu’elle doit s’ouvrir et laisser un espace permettant l’intégration. On pourrait même aller plus loin : l’intégration doit être réciproque. Il y a d’ailleurs un exemple de processus d’intégration, plus ou moins réussi, dont on entend parler tous les jours, qui inclut cette donnée de réciprocité dans le processus et l’effort : l’intégration européenne. Pourquoi ne pas accorder aux individus ce que l’on accorde aux États ? Les nations s’en porteraient certainement mieux…

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