De la politique à la poétique de l’emploi

Un nouveau paradigme pour la jeunesse

La jeunesse, combien de divisions ? On est toujours le jeune ou le vieux de quelqu’un. Jeunesse, vieillesse ne sont que des construits sociaux. Bien sûr c’est aussi une donnée biologique mais on ne peut concevoir la jeunesse comme une unité sociale, un groupe constitué. On doit parler des jeunesses, scruter les différences, pour simplifier, entre deux jeunesses celle des inclus et celle des exclus.

Il n’y a pas de déclassement générationnel, les études sont plus longues, le nombre de cadres augmente mais plutôt une déqualification structurale des nouvelles générations. Le modèle transitionnel est trop marqué en France par le culte du diplôme. La quête  du  CDI est aussi un marqueur évident alors que trop souvent les jeunes ayant un emploi sont au mieux en CDD. Chaque année 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification, le fossé entre la jeunesse diplômée et les décrocheurs est en pleine expansion générant une exclusion sociale dramatique. Il faut en finir avec les no man’s land de l’ennui et le hors jeu social.

Le système Français est beaucoup trop normatif et conformiste. Nous avons une culture négative et stigmatisante de l’échec alors que celui-ci est fertile. Valorisons l’échec et créons des systèmes connexes de rattrapage et de réorientation. Le problème de l’emploi est aussi un problème d’accompagnement, d’éducation et des réformes importantes doivent être engagées à ces sujets.

Le modèle ambigu d’égalité des chances a failli. Alors que celui-ci requiert des moyens importants dans les domaines de la santé, de l’éducation, du logement les gouvernements n’ont eu de cesse de diminuer les budgets.

Non seulement on n’est pas arrivé à réduire les inégalités de revenus, de conditions de vie entre les cadres et les ouvriers mais les inégalités sociales se sont accrues. Le réseau relationnel et le capital social de la famille sont des facteurs toujours déterminants dans le parcours des jeunes. Seules de nouvelles solidarités concrètes à inventer permettront d’aboutir à mieux d’équité.

Il me semble important  que les nouveaux paradigmes nécessaires soient définis par les jeunes eux-mêmes, qu’ils construisent leur avenir aux travers d’États «Jeunéraux», qu’ils occupent l’espace et qu’ils inventent leurs nouveaux horizons. Le monde d’après leur appartient,

Ainsi une politique de l’emploi devrait s’accompagner d’une poétique de l’emploi. La nouvelle société fera la part belle à la culture, l’oralité, la maitrise des langues, la communication et des formes horizontales de co-construction et de co-élaboration s’affranchissant des verticalité en vigueur.

Maitriser les usages d’Internet et des réseaux sociaux, le Verbe, l’éloquence, l’humour sont des vertus cardinales à cultiver.

Dans ce monde métamorphique l’expérience esthétique doit être enseignée. Elle est consubstantielle d’un savoir-être nécessaire pour s’adapter et anticiper le rythme des évolutions toujours plus rapides.

Pourquoi ne pas réfléchir à un Contrat Social de Génération qui au lieu de cliver les rapports jeunes/vieux permettraient des rapprochements constructifs dépassant les conflits de génération.

Pourquoi pas un Revenu de Socialisation Active permettant aux laissés pour compte, aux passagers du vide d’acquérir les compétences clés de l’employabilité.

Il va de soi que Pôle Emploi, les missions locales doivent impérativement revisiter leurs politiques et leurs objectifs. Créons des tiers-lieux de l’échange constructif en route vers l’imaginaire par l’hybridation des pratiques en faisant  intervenir aussi bien des artistes que des entrepreneurs et des enseignants.

Développons des modèles simples et expérimentaux de proximité, tirons en la substantifique moelle pour un passage à l’échelle généralisé.

Nous sommes à la fin de l’histoire d’un libéralisme perverti et nécrosé. Il convient maintenant d’ouvrir les pages d’une nouvelle narration et c’est aux Jeunesses qu’il appartient de l’écrire.

Joël Coché le 9 août 2012.